La Psychologie en Israël

La Psychologie en Israël

:A L'ATTENTION DES PSYCHOLOGUES OLIMS HADASHIM EN PROVENANCE DE  FRANCE

PRIERE DE LIRE L'ARTICLE DU DR. FELDMAN, MEMBRE DU COMITE EXECUTIF DE LA SOCIETE ISRAELIENNE DE PSYCHOLOGIE (HISTADRUT HA PSICHOLOGIM)

La Psychologie en Israël
Introduction
Mon texte sera basée sur des études publiées dans le Journal de la Société Israélienne de Psychologie, Psycho-Actualia" (N° de janvier 2005), intitulées (traduction personnelle) "La situation de la Psychologie et des psychologues dans le pays" (article de Rivka Jacobi), et "L'image du psychologue dans le public" (des professeurs Amiron Raviv et Guili Lutringer). De plus, je recommande la lecture du chapitre 25 du livre Handbook of International Psychology (Edited by Michael J; Stevens and Dany Wedding, Brunner-Routledge, 2004), "Psychology in Israel" de Rivca Jacoby. Rivka Jacoby dirige par ailleurs le programme de 3ème cycle de "Psychologie médicale" de l'Université de Tel-Aviv.
La société israélienne et la Psychologie
Israël est un pays jeune, peuplé de vieux peuples, au Moyen Orient.
Il a une population de 7,3 millions d'habitants, composée à 80% de Juifs ayant immigré du monde entier. Avant la 2ème guerre mondiale, les immigrants juifs venaient en Palestine, en provenance de l'Europe de l'Est et d'Allemagne. Après la guerre, et dès la création de l'Etat, les plus grosses vagues d'immigrations furent composées de survivants de la Shoah, suivies de Juifs d'Afrique du Nord, Afrique du Sud, Amérique du Sud, d'Ethiopie, de l'Union Soviétique, et récemment de France, à cause de la vague d'antisémitisme qui sévit dans ce pays, de la part des franco-musulmans.
La population non juive du pays représente environ 1,5 millions de personnes, composées d'Arabes palestiniens musulmans (14% de la population générale), Chrétiens et Druzes.
Le résultat de cela, c'est une population bigarrée divisée en un grand nombre de communautés, différentes du point de vue religieux, des traditions culturelles, économiques et sociales.
Depuis sa création, l'Etat d'Israël est en état de guerre avec quelques uns de ses voisins, dont les Palestiniens, qui ont fui lors de la guerre d'Indépendance de l'Etat.
En conséquence, 24.000 soldats israéliens ont été tués, et environ 3.000 civils ont péri depuis 1948.
Les soldats et civils blessés, les veuves, les orphelins, les familles endeuillées, et les survivants des guerres et attentats souffrent souvent de "ESPT" ("PTSD").
Tout ceci entraîne un état de tension dans la population générale, dont l'apogée a été atteinte lors de l'assassinat d’Ytzhak Rabin, et dernièrement pendant le retrait de Gaza.
Il ne faut pas oublier les conséquences de la Shoah sur les survivants (cf. l’association "Alumim", dont je suis le psychologue et qui a été créée par les enfants juifs cachés en France pendant la 2ème guerre mondiale et qui ont ensuite immigré en Israël) et leurs descendants de 2ème et 3ème générations.
Tout ceci fait que pour de nombreux chercheurs en Psychologie, Israël est "Le laboratoire du stress".
Au moment de la création de l'Etat, la population juive comptait environ 600.000 personnes, dont les activités psychologiques étaient relativement limitées. Certains psychanalystes tentèrent d'introduire la théorie freudienne dans le pays, mais la lutte pour la survie ne laissa pas beaucoup de place à la réflexion freudienne.
La plupart des psychanalystes de cette époque étaient venus d'Allemagne et d'Autriche, chassés par le Nazisme des années 30. Ils avaient fondé "La Société Israélienne de Psychanalyse" en 1933 et "L'Institut de Psychanalyse" en 1936, à Jérusalem.
Peu à peu, les idées psychanalytiques firent leur chemin et, après l'indépendance, les mouvements des kibboutzim, l'Education Nationale, et la Médecine s'en inspirèrent pour intégrer les enfants et adolescents rescapés des camps de concentration nazis.
Parallèlement, des centres de Psychologie furent créés, dont la vocation fut d'utiliser la psychométrie, et de développer la recherche dans le domaine de l'Education et du Travail.
La croissance très rapide de la population juive dans le pays a nécessité des solutions dans le domaine de l'Intégration, de l'Ecole, de l'Emploi, de la Santé mentale, de la Médecine, des Services sociaux.
Les Psychologues (formés pour beaucoup à l'étranger) furent amenés à jouer un rôle de plus en plus essentiel dans le pays, ce qui a conduit à la création de "La Société Israélienne de Psychologie" (que je représente, en tant que membre du Comité Exécutif) en 1957.
La même année, le premier département de Psychologie fut ouvert à l'Université hébraïque de Jérusalem. En 1958, ce fut le tour de l'Université Bar-Ilan, puis en 1966, l'Université de Tel-Aviv fit de même.
Celles de Haïfa et de Béer-Shéva suivirent le mouvement, respectivement en 1966 et 1967, et en 1969, Béer- Shéva ouvrit un département de Sciences du Comportement.
En 1985, le "Technion" de Haïfa ouvrit son département de Psychologie industrielle et de "Management".
De plus, durant les années 1990, de nombreuses universités privées (parfois branches de grandes universités anglo-saxonnes) ont offert des programmes de 1er cycle de Psychologie et de Sciences du Comportement.
Dans les années 1960, les services de Psychologie, dans les domaines de la Santé, de l'Education et du Bien Etre social se mirent en place.
Le Ministère de la Santé, Le Fonds Général d'aide aux malades établirent des équipes pluridisciplinaires composées de Psychiatres, de Psychologues cliniciens et de travailleurs sociaux, dont la formation est beaucoup plus longue qu'en France.
Ces équipes travaillèrent dans les hôpitaux psychiatriques, les cliniques de Santé mentale, qui se multiplièrent dans le pays.
Les Psychologues étaient responsables des psychodiagnostiques, des psychothérapies et du Conseil. Ils utilisaient principalement la théorie psychanalytique orthodoxe.
De son côté, le Ministère de l'Education Nationale a fondé des Centres de Conseil qui ont employé des Psychologues scolaires; ils ont surtout utilisé des tests dans le but de diagnostiquer les déficiences dans le domaine de l'apprentissage, et dans le domaine des déviances sociales (délinquance).
Le Ministère du Travail, quant à lui, a fondé des Centres de Conseil de carrières.
Quant au Ministère des Affaires sociales, il a lui aussi employé des psychologues formés en PsychoSociologie.
Pendant cette période, les psychologues se sont donc spécialisés en 3 catégories:
-Clinique,
-Education
-Travail.
Plus tard, une autre catégorie s'est installée:
-Rééducation.
Cette dernière s'est mise en place à cause du grand nombre de blessés de guerre et d'attentats, sans oublier les accidentés de la route.
Dans les années 80, des services de psychologie médicale et du développement de l'enfant ont vu le jour.
En somme, la profession de Psychologue s'est développée en même temps que l'Etat d'Israël, afin de répondre aux besoins de cette société hétérogène et jeune, confrontée à des menaces terribles de toutes sortes.
A cause du fait que le pays est sans cesse menacé dans son existence, cette situation de stress a entraîné un besoin, unique au monde, de soutien psychologique, ce qui fait que les psychologues ont acquis une position très puissante et très influente dans le pays.
La profession de Psychologue est prestigieuse en Israël!
La loi du statut des Psychologues a été votée par la Knesset (Parlement) en 1977. Cette loi a permis d'établir un registre d'inscription en tant que psychologue au ministère de la Santé, quelle que soit la spécialisation.
L'enregistrement dans le livre des Psychologues dépend du « Council of Psychologists » ou « C.O.P. » et est ouvert à tous ceux qui ont réussi un Master's en Psychologie dans une université israélienne (mais cela n'est pas suffisant pour la pratique de la profession; cf.infra). Pour les immigrants, il y a une Commission des équivalences. Nous y reviendrons pour les immigrants de France, nombreux en ce moment.
La société israélienne considère donc avec respect la profession.
Dans une étude comparative avec 220 autres professions, en se basant de 1 à 100, le Ministère du travail a trouvé les résultats suivants, en 1988, dans les estimations du public:
-Chercheurs: 100
-Avocats: 99
-Médecins: 98
-Psychologues: 97
-Rabbins: 95 (les rabbins jouissent d'une grande estime pour ce qui est de leurs conseils ou de leurs "révélations"; ils sont les grands concurrents des « psy »)
-Physiothérapeutes (kinésis formés à l'américaine):77
-Entraîneur sportif, professeur de gymnastique: 58
-etc.
Cette étude a été répétée en 93 et 99. Les psychologues et les rabbins ont vu leurs scores augmentés:
En 1999:
-Psy: 99
-Rabbins: 98, alors que les autres professions n'ont pas changé de position dans la liste.
Néanmoins, malgré le respect énorme (comparé à d'autres pays, dont la France), dont jouissent les psychologues dans la société israélienne, la profession n'est pas représentée partout. Par exemple, dans le domaine des media, la profession n'est évoquée que lorsqu'il y a eu rupture du code de Déontologie (cas de pédophilie chez des praticiens, plaintes de patient(e)s pour des relations sexuelles patients/psychothérapeutes).
Néanmoins, dernièrement, un médecin sexologue, d'origine française, qui est également psychologue, le Dr Dray, anime une émission pour les jeunes, où il répond en direct sur des questions d'éducation sexuelle.
De plus, il existe un véritable fossé entre le respect de la profession dans le public et la pratique en institution (paye, hiérarchie, etc.). Nous y reviendrons.
La formation des psychologues en Israël.
La Psychologie est un des domaines universitaires les plus recherchés par les étudiants. Les 5 grandes universités offrent des formations jusqu'aux 3èmes cycles:
Haïfa, Bar-Ilan, Tel-Aviv, Jérusalem, Béer-Shéva.
Le Technion de Haïfa (l'équivalent de Polytechnique en France) offre un Master's en Psychologie industrielle.
D'autres collèges privés permettent l'obtention de la licence de Psychologie, qui sera suivie du Master's dans les 5 grandes universités d'Etat citées précédemment, si le candidat est accepté.
L'entrée à l'université en Psychologie est permise à ceux qui ont le bac (appelé "bagrout", i.e. "Maturité" et qui s'étale sur 3 ans par unités de valeur) et qui ont eu entre 700 et 800 aux examens de psychométrie (maximum 800), obligatoires pour tous les étudiants.
Seuls les étudiants en Droit, Médecine, "High-Tech." et Psychologie doivent satisfaire à de telles obligations pour leur inscription. D'ailleurs, des psychologues peuvent faire partie des jurys d'admissions en Médecine.
Environ 1500 étudiants s'inscrivent chaque année en Psychologie. Seulement 200 sont acceptés en Licence. La compétition est donc très intense, d'autant plus que l'inscription en Master's n'est pas automatique pour les titulaires de la licence (appelé B.A., à l’américaine), surtout en Psychologie clinique.
Les spécialisations pour le Master's sont établies selon les instructions de la Société Israélienne de Psychologie:
-Psychologie clinique (adultes et enfants)
-Psychologie scolaire
-Psychologie de la rééducation ou « réhabilitation » (une sorte de Psychomotricité)
-Neuropsychologie
-Psychologie sociale
-Psychologie cognitive
-Psychophysiologie
-Psychologie du développement (psychologie génétique, au sens de genèse)
-Psychologie des organisations
-Psychologie industrielle
-Psychologie médicale (spécialisation récente)
La Psychologie du Conseil a existé de 1991 à 2001 et n’existe donc plus. Le Conseil est réservé à tous les psychologues, dès le Master's.
Environ seulement 10 à 20 étudiants sont acceptés chaque année par spécialisation.
Pour être accepté, il faut avoir obtenu entre 85 et 100/100 à la licence, avoir réussi un examen supplémentaire en Psychologie avancée, avoir des lettres de recommandation, et passer devant un jury d'admission pour un examen oral (comme une sorte de « binette » en France).
Un doctorat (nommé Ph.D. à l'américaine) peut être obtenu dans les 5 universités d'Etat. On devient « docteur » à la suite de la soutenance de thèse, comme en France, sous les auspices d'un directeur de thèse; on peut alors être appelé « docteur » à l’américaine ; le nombre des étudiants en doctorat augmente chaque année, mais les étudiants partent souvent à l'étranger pour l'obtenir, à cause du peu de places disponibles.
Une commission spéciale du Ministère de la Santé est chargée des équivalences pour les diplômes étrangers.
Israël étant un pays de constante immigration, cette commission est donc très importante, car environ 40% des habitants du pays sont ou ont été des immigrants.
Pour les diplômes français, le DESS a fait fonction de Master‘s, ce qui a entraîné le besoin de continuer la formation pratique parfois pendant 4 ans, sauf si l’immigrant a pu justifier de longs stages validés par son université !
Le plus souvent, l'immigrant doit donc compléter sa formation en Israël.
L'énorme immigration en provenance de l’ex-URSS (1.200.000 personnes) a entraîné l'introduction de faux diplômes; voilà pourquoi, les critères sont devenus si durs, même pour les Français (sauf pour les Anglo-saxons...).
Actuellement, les associations francophones d’Israël se battent pour la reconnaissance des diplômes de France, Belgique et Suisse.
Les frais de scolarité universitaires sont élevés en Israël : 2500 $ US minimum par année.
Des bourses sont néanmoins allouées pour certains étudiants (parents de revenus modestes - immigrants).
Les départements de Psychologie sont logés dans les Facultés de Sciences Humaines, excepté pour l’Université Ben Gourion de Béer-Shéva, ainsi que pour les universités privées, où la Psychologie fait partie des Facultés de Sciences du Comportement.
En général, ces universités privées ne délivrent que des diplômes de premier cycle (B.A.).
Mais, depuis avril 2003, le « Collège de Tel-Aviv-Jaffa » délivre un Master’s.
Toutes les universités israéliennes maintiennent un niveau d’études très élevé.
Ce qui permet à Israël d’obtenir beaucoup de prix Nobel (compte tenu de sa taille), tel que celui du psychologue du Travail Daniel Kahneman.
La plupart des psychologues universitaires sont des chercheurs. Peu sont des cliniciens.
Les cliniciens, en général, ne sont que chargés de cours, ce qui entraîne un écart entre la pratique et la recherche.
Les cours de B.A. ressemblent à ceux prodigués en France pour la licence.
A partir du Master’s, le nombre d’étudiants étant très restreint, les enseignants peuvent suivre chacun de manière privilégiée.
L’Anglais est très utilisé, à cause de l’influence anglo-saxonne, et certains cours sont donnés carrément en anglais.
Après l’obtention du Master’s, l’étudiant est inscrit au Ministère de la Santé, dans sa spécialisation, selon les recommandations d’un comité nommé par le Ministère.
Beaucoup de ses membres font aussi partie du Comité Exécutif de la « Société Israélienne de Psychologie ».
L’étudiant doit ensuite être « interne » pendant 4 ans (à mi-temps), dans une institution reconnue par l’Etat. Il peut en même temps travailler, mais sous supervision d’un tuteur nommé par le Ministère de Santé.
Dans la pratique, il est très difficile de trouver un lieu de stage, à cause du fait qu’Israël est un très petit pays, et à cause de la protection de la profession opérée par la Société Israélienne de Psychologie.
A la fin de cet internat, le candidat passe encore quelques examens dans sa spécialité.
L’internat se fait dans des hôpitaux (pas forcément psychiatriques), dans des cliniques, dans les cliniques universitaires, dans les écoles, et dans d’autres sites reconnus par le Ministère.
Depuis 1995, un diplôme de 3ème cycle est offert en Psychologie médicale aux psychologues diplômés et aux médecins, à la Faculté de médecine de Tel-Aviv.

La Pratique de la Psychologie en Israël
Il y a actuellement environ 7000 psychologues enregistrés au Ministère de la Santé.
Le psychologue ne peut pas prescrire de médicaments, même s’il est spécialiste dans ce domaine (psychophysiologie du cerveau – Neuropsychologie / Psychopharmacologie) et ne peut pas administrer de thérapie électro-convulsive (électrochocs).
Ceci est réservé aux médecins. Pour ce qui est de l’hypnose, le psychologue doit obtenir un diplôme reconnu par le Ministère de la Santé (après formation, supervision et examen en universités). Il en est de même pour le médecin. La plupart des psychologues continuent une formation permanente en suivant des cours prodigués par les 5 grandes universités, afin de maintenir un haut niveau de pratique.
Pour ce qui est de la psychothérapie, il y a une grande demande de formation. Depuis 1991, la Faculté de Médecine de Tel-Aviv l’a offerte aux psychologues diplômés (sauf aux psychologues cliniciens, qui ont la formation de psychothérapeute dans leur cursus), aux travailleurs sociaux et aux médecins. Pour ce qui est des méthodes employées dans la pratique, étant donné que beaucoup d’Israéliens (40%) ont immigré du monde entier, il y a un large éventail.
Jusque dans les années 1970, l’approche psychanalytique classique régnait. Mais, depuis, l’influence américaine a fait que l’approche cognitivo-béhavioriste a pris de plus en plus d’importance.
Depuis 1980, l’immigration massive d’Argentine (à cause de la dictature des généraux) a permis d’introduire les pratiques lacaniennes (on sait que la France influence beaucoup l’Argentine sur le plan intellectuel). Cela a été renforcé par l’immigration récente des Juifs de France (1).
Néanmoins, à cause du nombre très important de traumatismes de guerres et d’attentats, des techniques spéciales de traitement du PTSD (ESPT) ont été mises en place et enseignées (ceci est mon domaine dans la pratique et dans l’enseignement).
Il existe une grande différence entre les universitaires et les praticiens pour ce qui est des méthodes.
Les psychologues universitaires développent de plus en plus la recherche dans le domaine des Sciences Humaines, alors que les praticiens se rapprochent de plus en plus de la médecine (d’où création récente de la spécialisation de « Psychologie médicale »).
Mais, en agissant ainsi, les psychologues sont de plus en plus soumis au contrôle médical (des psychiatres en chef dans les services) et perdent l’autonomie qu’ils avaient jusque dans les années 1980.
Il existe aussi un écart de pratique entre le domaine privé et le secteur public. Dans le privé, le psychologue utilise la méthode qu’il veut. Dans le public, les médecins et le budget du Ministère de la Santé lui interdisent souvent les méthodes trop longues ou
1) Cf. l’entretien que j’ai eu avec Rachel Israël, psychanalyste à Tel-Aviv, et publié sous le titre « La psychanalyse en Israël » in Le Journal des Médecins Israélites de France ou « J.A.M.I.F. », Tome 52, N°352, Janvier-Février 2004, où Mme Israël décrit la formation des psychanalystes (réservée aux médecins et psychologues diplômés), et leur pratique dans le pays.

coûteuses. Par exemple, l’entretien avec le patient ne doit pas dépasser 30’, et c’est un Comité de médecins qui déterminent le nombre de séances accordées au patient avec le psychologue.
On passe de la qualité à la quantité. L’immigration massive dans les années 90 de médecins en provenance de l’ex-URSS et celle très récente de France ont fait que le psychologue a tendance à se trouver sous leur coupe, car dans ces pays d’origine, il en est ainsi.
Dans certains domaines du secteur public, le psychologue garde toute son autonomie et beaucoup d’autorité. Dans l’armée (qui a une importance considérable dans le pays à cause de la guerre et des attentats très nombreux, et qui appelle des réservistes en grand nombre chaque année, et ce jusqu’à leurs 55 ans) il y a 2 unités de psychologie :
- L’une est inclue au corps médical, et demande aux psychologues la pratique de tests (psychodiagnostiques) ainsi que l’assistance aux soldats et à leurs familles. Cette unité est dirigée par un psychiatre militaire.
- l’autre est sous les ordres d’un psychologue, militaire de carrière également, et est destinée à la recherche et la formation. L’influence de l’armée américaine y est très grande, mais, récemment, ce service a commencé à s’en libérer et à chercher des méthodes de travail proprement israéliennes. L’armée de l’Air, quant à elle, a exigé d’avoir une unité de psychologie séparée (à part des « rampants »…), afin de former et d'aider ses pilotes sue le plan psychologique.
Dans les prisons et les Centres d’aide aux drogués et aux victimes d’agressions sexuelles, dans les Centres d’Intégration des immigrants, dans l’association de lutte contre le cancer, d’aide urgente aux psycho-traumatisés, dans les maisons de retraite, et dans les Centres de convalescence pour les victimes d’attentats (considérées comme victimes civiles de guerre comme en France), le psychologue est totalement en autorité.
Par exemple, une association comme « NATAL » est totalement dirigée par des psychologues ; elle a pour but de traiter le psycho-trauma pour les victimes d’attentats.
Les psychologues cliniciens travaillent en hôpitaux, dans les caisses maladie (au nombre de 4 dans le pays), dans les Instituts et cliniques privés. Dans tous ces secteurs, ils sont sous les ordres des médecins. Leur travail consiste en thérapies brèves (cognitives/béhavioristes) ou semi-longues (influence psychanalytique), relaxation, bio-feed-backs, EMDR et hypnose. Depuis la 2ème Intifada, beaucoup se sont formés au traitement du stress.
Il existe actuellement une polémique entre les psychologues cliniciens et les autres spécialistes, à propos de l’utilisation du terme « psychothérapie » : ils exigent que cela leur soit réservé, et demandent qu’on parle de « soins psychologiques » pour les autres pratiques. Mais ceci est stérile, car, comme en France, de nombreuses personnes non psychologues ou non-médecins, jouent sur les mots et se disent « psychothérapeutes ».
Les psychologues scolaires, qui ont aussi 10 ans de formation en Israël, sont employés par le Ministère de l’Education Nationale, mais sont sous contrôle du Ministère de la Santé (comme les médecins scolaires).Ils travaillent dans des services où ils reçoivent les enfants à partir de 5 ans. Ils établissent des diagnostiques de maturité affective, de problèmes d’apprentissage, cognitifs et affectifs et de comportement. Ils travaillent aussi en milieu universitaire où ils pratiquent le soutien psychologique pour les étudiants en état de stress. Leur travail se fait en coordination avec les enseignants et les parents.
Les psychologues du développement de l’enfant travaillent dans des Centres attenants à des crèches, des services de pédiatrie des hôpitaux, afin de diagnostiquer et traiter les retards de développement, les problèmes neurologiques, néonataux, génétiques et dans la relation mère enfant. Le travail des psychologues se fait en équipe : pédiatres, médecins de famille (5 ans de spécialisation en Israël), infirmières, travailleurs sociaux, et personnels de crèches (qui sont des enseignants de l’Education Nationale à part entière, et autres employées de service).
Les psychologues de « réhabilitation » (sorte de psychomotriciens, mais qui ont eux aussi 10 ans de formation universitaire derrière eux) travaillent aussi en hôpitaux et cliniques. Leur activité consiste à aider mentalement et physiquement les traumatisés, pour qu’ils parviennent au maximum de leurs nouvelles possibilités. Ces psychologues travaillent aussi en équipes : médecins orthopédistes, ergothérapeutes, kinésithérapeutes, travailleurs sociaux, et psychologues du travail (pour le reclassement professionnel). Cette spécialisation est très demandée par les étudiants en psychologie, à cause du nombre très important de polytraumatisés de guerre et d’attentats, sans oublier les accidentés de la route, très nombreux eux aussi.
Le niveau de formation en neurophysiologie est très élevé chez ces psychologues.
La psychologie médicale est nouvelle en Israël (reconnue officiellement par le Ministère de la Santé en 2001). Jusque là, une grande partie de leur travail était accomplie par les cliniciens et les « réhabilitateurs ».
Actuellement, les psychologues médicaux travaillent dans le domaine psychosomatique, et accompagnent les malades dans le processus de la maladie, jusqu’à la guérison ou la mort. Ils traitent le stress dû à la maladie, aident les malades à s’adapter aux nouvelles médications (diabétiques, dialysés, sidéens) ou pratiquent les soins palliatifs.
Ils travaillent avec les médecins bien sûr, mais prennent part aux décisions médicales, et servent souvent de médiateurs entre le patient et le médecin. Leur formation inclue des bases médicales assez poussées. D’ailleurs certains médecins s’inscrivent aussi dans la formation (ils sont dispensés des matières médicales bien sûr).
Les psychologues du Travail sont formés (en 10 ans également) dans les domaines suivants :
- social
- occupationnel
- Organisationnel.
5 domaines d’activité leurs sont réservés :
- Conseil (de carrières)
- Conseil d’organisation
- Audits sociaux
- Psychologie sociale
- Ergonomie.
Beaucoup de ces psychologues sont dans le domaine de l’enseignement et de la recherche. Les autres sont employés par le Ministère du Travail et les grandes entreprises, mais restent sous le contrôle du Ministère de la Santé comme tous les autres psychologues.
Les psychologues israéliens sont souvent envoyés à l’étranger par le gouvernement sur les lieux de catastrophes naturelles, de guerres ou lors d’attaques terroristes. Cela dépend des demandes des pays touchés. Ces psychologues doivent parler les langues les plus usitées dans le monde (anglais – français – espagnol). Leurs compétences sont très appréciées.
Ils peuvent travailler aussi dans des ONG israéliennes, dans des organisations judéo- arabes, en collaboration avec des professionnels de la santé palestiniens.
Depuis 1993, les universités de Tel-Aviv et de Gaza collaborent et échangent des psychologues et des médecins, afin d’échanger des informations dans le domaine de la recherche, des soins, et afin de faire avancer le processus de paix.
L’organisation dont je suis le Chargé des relations internationales, «L’Association Israël-France et France-Israël de Victimologie de l’Enfant et de sa Famille », et dont les présidents ont été respectivement pour la France, Mme le Dr. Marie Yvonne Douste-Blazy, et pour Israël, le professeur Samuel Tyano, s’est fixé pour but d’aider de manière équitable les victimes de guerre des 2 camps. La visite de M. Douste Blazy en Israël et à Gaza, permettra, nous l'espérons, le développement de nos activités de soins et de recherche dans le domaine du Psycho-trauma.
Enfin, le code d’Ethique de la profession de psychologue a été établi par la Société Israélienne en 1998, et adopté par le "COP" (Counsil of Psychologists) du Ministère de la Santé la même année. Il fait partie désormais du Cursus du Master’s de Psychologie, et son étude fait l’objet d’un examen.
Conclusion
Le futur de notre profession en Israël va dépendre des efforts des universitaires et des praticiens. Il faut résoudre les problèmes à l’intérieur et à l’extérieur. A l’intérieur, en réduisant les tensions entre les cliniciens et les autres spécialistes, en veillant à la qualité de la formation, en multipliant les programmes de formation permanente, en renforçant les organisations professionnelles, et en veillant à ne pas se couper du monde international de la Psychologie, en élargissant les contacts hors de l’influence américaine (c’est ce qui explique ma présence ici en France).
Sur le plan extérieur à la profession, les psychologues doivent établir des ponts avec les autres scientifiques, ce en Israël et sur le plan mondial. Il est hautement regrettable que les universitaires israéliens soient ostracisés dans de nombreux pays, à cause de la propagande anti-sioniste, alors qu’ils sont très engagés dans le processus de paix israélo-palestinien, malgré la guerre, le terrorisme, et le traumatisme de la Shoah encore très prégnant dans le pays, chez les derniers survivants et leurs descendants (les psychologues sont très présent dans ce domaine comme vu précédemment). La lutte contre l’antisémitisme dans le monde commence aussi à être pris en compte, alors que jusque là, la vision israélienne était très simpliste : s’il y a antisémitisme, il faut quitter le pays où il se manifeste et immigrer en Israël. Maintenant il y a une réflexion, car la confusion s’est établie entre l’antisionisme et l’antisémitisme un peu partout dans le monde à cause du statut bimillénaire de bouc émissaire des Juifs.
En Israël, la profession doit se défendre contre les excès des autres professionnels :
- les médecins (comme par le passé, les psychologues doivent pouvoir devenir chefs de service, si leurs compétences d’organisation sont meilleures que celle des médecins présents)
- les travailleurs sociaux (formés à l’américaine et qui peuvent pratiquer des psychothérapies) ; leur influence est de plus en plus grande dans le pays.
- les infirmières (dont la formation peut aller jusqu’à l’obtention d’un 3ème cycle en infirmerie)
- les « pseudo psychothérapeutes » (Ex. "New Age", les rabbins, etc.)
Bien que le psychologue soit parfaitement intégré dans le système de soins, il faut donc qu’il puisse redéfinir soigneusement sa pratique, et interdire les empiètements opérés par les autres professions.
Enfin, il faut réduire le fossé paradoxal qui existe entre la très bonne renommée du psychologue dans le public et la réalité de la pratique.

Bibliographie
- JACOBY Rivka, “Psychology in ISRAEL” in Handbook of International Psychology Chapter 25, Edited by STEVENS Michael J. & Danny WEDDING, Brunner – Routledge, 2004.
- JACOBY Rivka, “Le statut de la Psychologie et des Psychologues en Israël – Points de réflexion » in Psycho-Actualia, Revue de la Société Israélienne de Psychologie, Janvier 2005, [email protected] , (en hébreu).
- RAVIV Amiram & Guili LUTRINGER, « L’image du psychologue (dans le public israélien) » in Psycho-Actualia, Revue de la Société Israélienne de Psychologie, Janvier 2005, [email protected] (en hébreu).

Israël Bernard Feldman
Dr en Psychologie – Psychanalyste – Victimologue
Responsable de la Chaire d’enseignement UNITWIN (Unesco) à l’Université de Tel- Aviv
Chargé de cours international
Membre du bureau de la Société Israélienne de Psychologie